Un vieil homme avait pour seul héritage une cabane chaleureuse installée au centre d’une magnifique forêt. Voyant les dernières années de sa vie arriver, il songeait à l’offrir à ses petits enfants. Seulement, un fantôme avait pris possession des lieux et était occupé à faire bien trop de bruit pour que les petits enfants du vieil homme puisse profiter paisiblement de cet héritage. Aussi le vieil homme essayait tout ce qu’il pouvait pour faire sortir le fantôme de sa cabane. Tantôt il l’engueulait, tantôt il le suppliait. Tantôt il essayait de l’ignorer, tantôt il essayait de le soudoyer. Mais rien n’y faisait, le fantôme restait car il estimait que c’était SA cabane, et que c’était LUI le maître des lieux. Un jour, le vieil homme comprit que le fantôme aimait la philosophie. Alors il eu l’idée d’inviter chez lui trois philosophe réputés, et leur demanda de convaincre le fantôme de quitter les lieux.
A la première lune, le premier philosophe toqua à la porte de la belle cabane. Prenant le thé avec le vieil homme et esquivant quelques cuillères jetées par le fantôme, il dit d’un ton suffisant :
– »Tu es un fantôme, tu n’existe que par l’importance qu’on te donne, mais fondamentalement tu n’es pas là. Aussi, les objets qui volent ne sont projetés par rien, et on ne parle à personne en disant ça. »
Le fantôme, prit de colère, fit entendre sa voix :
– »Je suis important, et puisque vous me prenez pour rien, je vais vous montrer que j’existe et donc que j’occupe cette cabane ! Préparez-vous ! »
Bien que les paroles du philosophe avaient un fond de vérité, personne n’aurait compris son message tant c’était maladroitement exprimé…
A la pleine lune, un deuxième philosophe vint toquer à la porte, et le vieil homme l’invita à entrer pour prendre le thé. Il ne pu que constater que la cabane était sans dessus dessous suite à la dernière colère du fantôme. Aussi, il s’émerveilla de sa présence :
– »Oh fantôme que je vous admire, vous êtes la preuve de la vie après la vie ! Vous êtes éternel… »
Alors le fantôme s’enorgueilli :
– »Vous entendez ça vieil homme? Celui-ci reconnaît mon importance, mon existence, aussi puisque je suis si important cette cabane me revient ! »
Sur ce, le vieil homme essaya de donner un peu plus d’importance au fantôme, mais la cohabitation n’était vraiment pas facile, et ils se disputaient tous deux les meilleures places dans la cabane.
Il était curieux de ce que dirait le troisième philosophe, alors il attendait la dernière lune avec impatience.
Seulement, la dernière lune passa et personne ne toquait à la porte. Le fantôme, tourmenté, reprochait au vieil homme de prendre trop de place et de salir les lieux, et vice versa pour le vieil homme.
Mais lors de l’absence de lune, quand il faisait nuit noire, ils entendirent toquer à la porte de la cabane. Le vieil homme ouvrit. Il vit un homme au visage simplet, aux vêtements sals et abîmés.
« Ah zut, ce n’est pas le philosophe que j’attendais. » se dit-il, « Avec son allure, il ne peut être qu’un mendiant ou un vagabond. »
Les paroles de l’homme qui avait toqué confirmèrent ses doutes :
– »Bonjour, je traversais ce jour la forêt, mais la nuit tombant j’ai pensé que vous accepteriez ma compagnie jusqu’à ce que le jour se lève. »
Le vieil homme l’invita à prendre un thé et le vagabond assista aux disputes avec le fantôme de la cabane. Le fantôme demanda l’avis du vagabond :
– »Toi vagabond, dis moi ce que tu pense de ça : Cette cabane est belle, donc comme elle est belle, elle est MA cabane parce que je suis quelqu’un d’IMPORTANT ! N’est-ce pas? »
Le vagabond répondit :
– »Oh malheureux, votre importance vous enferme dans une petite cabane. Moi, à n’être d’aucune importance, je n’ai aucun lieu qui m’appartient, aussi étant partout, ma demeure est infiniment plus grande que la votre. »
Il n’y eu qu’un silence comme réponse. Au lendemain matin, le vieil homme ne savait pas dire où le fantôme était passé. Il n’aurait pas pu dire qu’il n’était pas là, mais bizarrement il avait aussi le sentiment qu’il était là, dans une présence légère et chaleureuse.
Ses petits enfants, en venant à la cabane, pouvaient chaque fois ressentir cette légèreté et cette chaleur quand ils promenaient dans la forêt, ou quand ils étaient dans la cabane.