Chaque tradition a ses symboles. Un roi demanda un jour au Bouddha si ce dernier pouvait attribuer un vêtement particulier à ses disciples pour qu’ils soient reconnaissables. Le Bouddha, marchant avec ses disciples dans un champ de riz, il a demandé à ce que le vêtement soit le champ de riz. Alors ses disciples ont cousu un vêtement constitué de différents rectangles de tissus pour rappeler le champ de riz. Ces tissus provenaient de tous horizons. En Inde, les cadavres étaient brûlés sur la voie publique et les restes des tissus que les corps portaient sur eux, putréfié ou non, étaient récupérés pour coudre ce vêtement. Ce vêtement, c’est cette grande pièce de tissu posée de travers sur l’épaule des moines et que l’on nomme le kesa. Au-delà de l’habit, il est l’enseignement.

Car d’abord, le Bouddha propose de se vêtir du champ de riz, quand il se trouve dans le champ de riz. Le vêtement que nous portons au quotidien est notre environnement. Nous faisons corps avec lui.

Car ensuite, ce qui compose le kesa est un ensemble de matières habituellement rejetées et suscitant le dégoût. Il y a là le Grand Oeuvre, la transformation de l’impure en quelque chose de noble. Le vêtement nous invite à prendre chaque chose de la vie, et à la sublimer.

La pratique est le kesa, que le tissu soit posé sur le corps ou non, nous restons vêtu de notre environnement, et chaque chose qui se présente dans cet environnement est réutilisé, sublimé. A l’instar des linceuls pourris par la chaire et brûlés, nous faisons entrer en notre coeur la société, ses maux, ses tragédies, ses bonheurs, et tout ce qui se présente à nous. Tout cela vient se sublimer en l’habit de l’esprit que nous portons.

Celui qui porte ce tissu traditionnel sur l’épaule mais ne s’habille pas de son environnement ne porte pas le kesa. Celui qui ne porte pas le tissu traditionnel mais s’habille de son environnement porte le kesa.

J’ai en tête mon Maître qui pour fabriquer le dojo a utilisé des matériaux de récupération. Le dojo est tellement magnifique. Et aujourd’hui, pris de la maladie de parkinson, chaque jour sans exception il est assis dans la position du lotus, et la maladie durant chaque journée qui passe fait l’objet de sa pratique.